Le Clos Fornelli est un domaine familial d’une trentaine d’hectares situé sur les contreforts sud de la Castagniccia, sur les communes de Tallone et Linguizzetta.
Bergers originaires du Boziu (village de Mazzola), mes ancêtres Ghiseppu et Saveriu Vanucci se sont installés au lieu-dit E Pedraghje (‘lieu caillouteux’) dans le bas de la vallée de la Bravona et pratiquaient la transhumance de leurs troupeaux de brebis entre ces deux ‘univers’. C’est ici qu’ils se sont sédentarisés et qu’ils ont planté leurs premières vignes venant compléter un petit vignoble existant depuis deux siècles sur les lieux.
La civilisation agropastorale était alors rythmée par les saisons et les rites. Ainsi, a muntagnera (estivage) s’effectuait le lendemain du 12 mai, après la célébration de San Brancaziu (Saint-Pancrace, patron des bergers), sur le site de la petite chapelle située à proximité de nos vignes. Tandis que le retour du Boziu, pour les vendanges, s’effectuait le 17 septembre, après la San Ciprianu (Saint-Cyprien, fête patronale de Mazzola).
Les cépages complantés en 1932 étaient : Malvasia (Vermentinu), Sciavone (Paga Debiti), Elegante (Grenache), Niellucciu. Le vin produit sur place par mon grand-oncle Ziu Saveriu, était pour partie vendu localement aux particuliers, aux petits négociants et dans des caves bastiaises. Il était bien sûr consommé familialement et partagé dans les grandes tablées de la traditionnelle tundera (tonte des brebis) des bergers et amis venus participer à la journée.
Après une carrière d’une dizaine d’années de contrôleur aérien à l’étranger, Don Marcel, mon père, est revenu en 1964 en Corse pour participer aux travaux de la ferme familiale, avant de pouvoir développer son propre vignoble. Il subira de plein fouet ce qu’il qualifie 50 ans plus tard « d’une incroyable humiliation » : pour obtenir des droits de plantation sur ses parcelles, l’administration de l’époque lui imposera contre son gré la mise en place de cépages allogènes. La France voulait reconstituer en Corse une grande partie des vins de piètre qualité des territoires perdus d’Algérie. Les colons en charge de grosses exploitations en Afrique du Nord, relocalisés pour partie en Corse, avaient pour mission de convertir la viticulture Corse traditionnelle en une viticulture industrielle. Le vignoble Corse passa en très peu de temps de 5000Ha à plus de 30.000Ha.
Vins frelatés, qualité déplorable, cavalerie financière orchestrée par de gros négociants, conduisirent à une inévitable crise, avec pour acmé les ‘évènements d’Aléria’ en 1975. Cette situation plongea le vignoble Corse dans un marasme absolu. Des arrachages massifs soldèrent cette période de l’industrialisation à outrance du vignoble Corse.
A quelque chose malheur est bon. Certains vignerons de Corse choisiront après cela de faire renaitre le vignoble Corse de ses cendres, en s’appuyant sur ce qui fait sa force aujourd’hui : ses cépages. Pour les soutenir dans ce Riacquistu (reconquête) ils choisirent de se doter d’un centre de recherche viticole autonome qui existe encore aujourd’hui : le CRVI.
Mon père replantera à partir de 1972 les cépages qu’il avait toujours connu sur le domaine familial. Malvasia, Niellucciu puis Sciaccarellu reconstituaient la colonne vertébrale du Domaine.